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Équitation consciente

L’équitation consciente repose sur un principe central : vivre l’instant présent en fusion avec le cheval. Cet art exige de dépasser les automatismes pour entrer dans une pratique intentionnelle, où les consciences du cavalier et du cheval s'alignent et où chaque geste, chaque pensée, chaque respiration portent un sens. Les visions symbolique, historique, alchimique, philosophique, neuroscientifique, biomécanique et cognitive éclairent cette approche et enrichissent sa pratique.

Depuis les origines, le cheval incarne des archétypes puissants : force, liberté, union entre la terre et le ciel. Dans la tradition pythagoricienne, la monture reflète l’âme humaine, en quête d’équilibre entre ses pulsions sauvages et son aspiration spirituelle. À cet égard, l’équitation consciente devient un miroir intérieur.

Ainsi, l’aphorisme de Socrate, « Connais-toi toi-même », s’étend au cheval, partenaire de ce voyage introspectif.

Dans cette dynamique, les cavaliers cultivent la réceptivité symbolique. La bride incarne la maîtrise intérieure et le pas du cheval, une méditation en mouvement. Chaque interaction alimente un dialogue entre deux consciences, appelant au respect et à l’humilité.

L’équitation, héritée des grandes civilisations, a traversé les âges comme un art total. Les écoles antiques, comme celle de Xénophon, enseignaient déjà une équitation fondée sur l’écoute, la douceur et la précision.

Xénophon déclarait : « Le cavalier sage ne dompte pas, il guide. »

L’équitation consciente s’enracine dans cette sagesse ancienne, où la domination cède à l’harmonie.

À l’époque médiévale, les chevaliers templiers pratiquaient une équitation empreinte de symbolisme et de spiritualité. Le cheval, vu comme un compagnon d’âme, incarnait la pureté morale. Plus tard, les maîtres de la Renaissance, comme Federico Grisone, réintroduisirent la finesse dans l’art équestre, posant les bases d’une équitation fondée sur l’équilibre entre corps et esprit.

L’équitation consciente peut se lire comme une œuvre alchimique de transformation mutuelle du cavalier et de sa monture. Par l’observation et l’intention, l’opus alchimique se déroule en trois étapes.

Le grand oeuvre au noir qui confronte le cavalier à ses propres tensions et appréhensions.

Le grand oeuvre au blanc qui marque l’éveil d’une relation harmonieuse, rendue possible par une écoute sincère.

Puis le grand oeuvre au rouge qui symbolise l’union parfaite des consciences et des énergies entre l’humain et le cheval.

Comme l’écrivait Paracelse : « Ce n’est pas la matière qui se transforme, mais l’esprit qui s’élève. »

Le cavalier en quête de pleine conscience transcende ainsi ses limitations par l’attention et la présence.

Dans son essence, l’équitation consciente renoue avec une philosophie stoïcienne. Chaque cavalier, en fixant son esprit sur l’instant présent, dépasse l’inquiétude et la distraction. Épictète recommandait de se concentrer sur ce qui dépend de nous. L'équitation de pleine conscience l'illustre à merveille. Le cheval répond aux intentions claires, à la maîtrise sereine du corps et à la constance des gestes.

Descartes, pourtant sceptique face à la conscience animale, invitait toutefois à une rigueur cognitive proche de la pleine conscience. D'ou un antagonisme étonnant. Plus près de nous, des penseurs contemporains comme Vinciane Despret réhabilitèrent une philosophie de l’animalité, où le cheval se perçoit comme un partenaire doué d’intelligence propre.

Les recherches récentes en neurosciences révèlent l’impact de la pleine conscience sur les interactions homme-animal. Lorsqu’un cavalier pratique une respiration contrôlée, son rythme cardiaque et ses ondes cérébrales influencent directement le comportement du cheval. Andrew McLean et Paul McGreevy, spécialistes du comportement équin, soulignent que des cavaliers attentifs génèrent des réponses plus calmes et confiantes chez leurs montures.

En zoosémiotique, le cheval communique par une grammaire gestuelle subtile. La tension musculaire, la posture ou la position des oreilles traduisent son état émotionnel. En réponse, le cavalier attentif adapte son énergie et ses signaux pour créer un véritable dialogue non verbal.

La pleine conscience se manifeste également par une prise de conscience corporelle accrue. Sally Swift, pionnière de l’équitation centrée, recommandait une assise détendue et équilibrée, favorisant un mouvement naturel chez le cheval. Cette posture, issue d’une pratique consciente, préserve le bien-être physique des deux partenaires et évite les compensations nuisibles.

En alignant sa respiration avec celle du cheval, le cavalier harmonise leurs mouvements. L’expertise biomécanique de Gerd Heuschmann rappelle l’importance d’un engagement doux mais clair des aides, pour respecter la physiologie du cheval tout en optimisant la performance.

L’approche cognitive valorise une compréhension fine du processus d’apprentissage équin. Lucy Rees, spécialiste du comportement des chevaux sauvages, décrit l’importance des micro-gestes dans l’entraînement éthologique. Une intention claire, combinée à une attitude neutre, favorise la compréhension mutuelle et renforce la confiance. Nous parlons alors de la langue "cheval".

La pleine conscience implique de penser chaque demande, d’anticiper les réponses potentielles et de s’ajuster instantanément. Ce langage équestre cognitif ne repose pas sur la contrainte, mais sur la co-création d’un mouvement fluide.

Enfin, l’équitation consciente prend racine dans des pratiques comme la méditation ou la respiration rythmée. Inspirée des disciplines orientales, elle invite le cavalier à focaliser son attention sur le présent.

Toutes ces approches forment un tout complet qui relègue le paradigme équestre au rang de coutume dépassée.

Tout cela s'apprend désormais. L'équitation devient alors un chemin d'ouverture de conscience et de développement personnel.

Les neurosciences expliquent rationnellement l'alchimie des bienfaits du contrôle du flux des activités mentales et des émotions sur notre quotidien. Le cheval en devient le révélateur et le coach enseignant.

L'apprentissage de la "langue cheval" permet d'accéder à une nouvelle rhétorique de langage intuitif et non verbal qui induit le contrôle de tous les gestes et donc une observation consciente de nos mouvements dans l'espace temporel. Les réponses du cheval en traduisent la justesse et rouvre le chemin de la Haute-Ecole.

L'équitation de tradition retrouve alors ses lettres de noblesse en la dénuant de tout matériel coercitif et en la fusionnant avec l'intelligence cognitive de pleine conscience. Elle enfante alors l'équitation du futur tout en transmutant les cavaliers en Êtres éveillés.

Pour qualifier la conscience de l'instant présent, Thich Nhat Hanh écrivait : « Quand vous montez un cheval, montez seulement un cheval. »

Cette simplicité redéfinit la pratique équestre, transformant chaque séance en un exercice d'éveil de conscience et de développement personnel.

A défaut, il reste les mors sévères, les muserolles serrées, les noseband qui condamnent la bouche et bloquent la ligne dorsale, les éperons qui piquent, les enrênements qui contraignent à des postures en dépit des lois naturelles de gravitation. Autrement dit, on reste un marionnettiste qui tente d'obtenir une pseudo obéissance par la soumission matérielle et l'on reste un automate d'un système rétrograde.

André MALRAUX disait : " Le vingt et unième siècle sera spirituel ou ne sera pas".

Cette maxime se rapporte également à l'équitation dans un niveau de lecture étendu. Soit elle devient consciente et laisse émerger l'intelligence, soit elle disparaitra. Des oiseaux de mauvaise augure planent depuis un certain temps au-dessus du principe équestre.

Ils ont raison en appréhendant l'équitation par le paradigme de la soumission par l'inconfort et par la douleur.

Alors osons l'intelligence et libérons-nous du joug des aliénations paradigmatiques dictées par la quête de rentabilité financière et de performances à la gloire des égos individuels.

Dans cette approche consciente, le but ne consiste pas seulement à "jouer avec le cheval" par une relation apaisée, mais à ouvrir un chemin d'intelligence cognitive afin d'accéder par l'intelligence aux plus hauts niveaux de l'art de l'équitation.

Le temps est venu. Désormais plus aucun cavalier ne pourra dire : "Je ne savais pas."

Pour terminer cette réflexion, je vous propose une parole alchimique :

"L’harmonie avec le cheval ouvre une porte sur l’univers."

Comprenne qui pourra.


Francis STUCK



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