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La conscience dans l'acte équestre

La conscience représente ce champ immatériel, à la fois intime et universel, dans lequel se dessine la perception de soi, des autres et du monde. Elle n’est pas figée, mais se traduit tel un flux, une danse subtile qui évolue au fil des instants. À chaque moment, la conscience s’élargit ou se contracte selon nos pensées, nos émotions, nos intentions. En philosophie comme en sciences cognitives, la conscience incarne ce miroir intérieur qui reflète la réalité, mais jamais de manière neutre : elle est teintée par nos filtres personnels, nos conditionnements, et surtout par notre capacité ou incapacité à être pleinement présents.

Dans l’équitation, la conscience est bien plus qu’une notion abstraite : elle doit être opérative, un outil vivant qui sculpte la relation entre le cavalier et son cheval. Elle est ce lien subtil qui unit deux êtres dans une dynamique d’écoute et de réponse, un échange silencieux où chaque geste, chaque posture, chaque intention devient un message.

Lorsque la conscience du cavalier est fermée, elle est centrée sur ses propres perceptions, souvent encombrée de préoccupations ou d’émotions perturbatrices. Le cavalier devient alors une entité isolée, incapable de s’accorder à la sensibilité du cheval. À l’inverse, une conscience ouverte est un état où le cavalier dépasse les frontières de son propre ego pour entrer dans un espace de résonance avec son partenaire équin. C’est un état d’expansion où l’on devient à la fois observateur et acteur, pleinement ancré dans l’instant.

Le cheval, en tant qu’animal de proie, vit dans une conscience ouverte par nature. Il est constamment en éveil, en état de présence absolue, réceptif à son environnement et à la moindre variation émotionnelle ou physique de son cavalier. Cette réceptivité le rend à la fois vulnérable et incroyablement adaptatif. Face à un cavalier fermé, le cheval peut se contracter, se réfugier dans des comportements automatiques ou opposants. Mais face à une conscience ouverte, il entre dans un dialogue, offrant sa générosité et sa fluidité.

Une équitation de conscience fermée est mécaniste : elle s’appuie sur des gestes standardisés et des techniques rigides, sans laisser de place à l’intelligence et à la sensibilité du cheval. Une équitation de conscience ouverte, au contraire, devient un art vivant, un échange où chaque mouvement naît de l’écoute mutuelle. C’est l’essence de l’équitation classique, telle que la défendaient des maîtres comme Nuno Oliveira ou François Baucher, où l’on privilégie la légèreté, l’harmonie et le respect.

La méditation active, contrairement à la méditation statique, est un exercice de pleine présence dans l’action. Elle demande au cavalier de contrôler ses pensées et ses émotions pour s’ancrer dans l’instant. Dans cet état, la conscience ne s’évade plus dans des projections mentales inutiles ; elle devient un outil affûté pour percevoir les nuances du mouvement, les réactions du cheval et les subtilités du langage équestre.

Le contrôle des pensées, en supprimant les distractions, permet au cavalier de devenir le point fixe, l’ancrage autour duquel le cheval peut s’équilibrer. Le contrôle des émotions, quant à lui, évite de transmettre au cheval des tensions inutiles. Un cheval ressent la colère, la peur, ou même l’excès de zèle de son cavalier ; en maîtrisant ces états, le cavalier offre au cheval un espace neutre et sécurisant, propice à l’expression de son plein potentiel.

Contrairement aux gestes techniques qui peuvent être enseignés et répétés mécaniquement, un état de conscience ne se décrit pas et ne s’impose pas. Il se vit. Il évolue à chaque instant, influencé par la respiration, le rythme, l’intensité du moment. En équitation, la conscience devient une boussole qui guide les choix du cavalier, mais elle exige une vigilance constante, car elle est fragile. Une pensée parasite, une émotion mal maîtrisée, et le lien avec le cheval se rompt.

La méditation active permet d’entretenir cette conscience en mouvement. Elle transforme le cavalier en un canal, un médiateur entre le cheval et le monde. Par la pratique régulière, le cavalier apprend à écouter sans interférer, à guider sans contraindre. Il devient l’incarnation de la présence, cette qualité rare qui apaise et inspire confiance.

L’équitation de pleine conscience n’est pas une mode ; elle est un retour à l’essence originelle. Elle invite à renouer avec une équitation qui ne soit pas seulement technique, mais spirituelle et philosophique. Dans cet espace, le cheval n’est plus un outil, mais un partenaire, un miroir vivant qui reflète l’état intérieur du cavalier.

Dans cette quête, la conscience devient le fil conducteur, l’alchimie invisible qui transforme une simple séance de travail en un moment de communion. Là où la technique mécaniste échoue à captiver l’âme du cheval, la conscience ouverte crée une relation où le cheval devient volontaire, créatif et pleinement engagé.

L’équitation de pleine conscience, portée par la méditation active et le contrôle du mental et des émotions, ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de cet art millénaire : celui où l’humain et l’animal ne font plus qu’un, dans un dialogue de cœurs et d’esprits unis.


Francis Stuck




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