La différence entre le Check, bouton de langage éthologique et la caresse
Dans l’univers de la communication avec le cheval, chaque geste et chaque intention se chargent de significations profondes. Parmi les outils utilisés par le cavalier, le Check et la caresse se distinguent par leur nature et leur fonction. Si l’un s’inscrit dans une logique précise et ciblée, l’autre ouvre un champ de communication empathique. Les confondre ou ne pas les distinguer appauvrit la qualité du dialogue entre l’homme et le cheval.
Le Check, véritable “bouton de langage”, s’intègre dans un cadre de linguistique interespèce précis. Il repose sur la capacité du cheval à associer une stimulation physique et une intention claire. Ce geste court et ciblé, généralement effectué sur des zones spécifiques comme le bout du nez ou l’encolure dans le travail au sol et à droite ou à gauche du garrot dans le travail en selle, sert à confirmer une attention ou à recentrer un dialogue. Les neurosciences, notamment à travers les travaux de Jaak Panksepp, montrent que les mammifères, dont les chevaux, utilisent des circuits neuronaux dédiés à l’apprentissage et à la reconnaissance des signaux sensoriels. Le Check active ces circuits, sollicitant une réponse cognitive immédiate.
La caresse, en revanche, s’inscrit dans une dimension globale. Elle agit comme un message de bien-être et d’approbation. Par sa nature prolongée et fluide, elle stimule les zones du cerveau associées à la récompense et au relâchement. Des recherches comme celles de Temple Grandin démontrent que les interactions tactiles favorisent la libération d’endorphines, contribuant à l’apaisement et au renforcement des liens sociaux.
Alors que le Check parle au cortex cognitif en validant une action ou en demandant une attention, la caresse engage le système limbique, siège des émotions. Cette distinction reflète leur rôle complémentaire dans l’interaction avec le cheval.
Dans une lecture symbolique, le Check se compare à un mot précis dans un langage cognitif structuré. Il indique un point, une direction, une demande. En revanche, la caresse incarne le geste universel, la poésie dans la relation. Si le Check représente une phrase concise dictée par la nécessité, la caresse murmure des promesses de réconfort et d’affection.
Les traditions équestres ont toujours valorisé ces deux formes d’expression. Les écrits de Xénophon évoquent l’importance d’une main apaisante pour gagner la confiance du cheval, tout en insistant sur des gestes clairs et précis pour guider. Le Check, bien qu’inexistant sous ce terme dans ses œuvres, se traduit par ces touches brèves qui rappellent l’attention sans brusquerie.
Le Check et la caresse mobilisent le corps du cavalier et du cheval de manière différente. Le Check, par sa brièveté et son intensité contrôlée, cible des zones spécifiques sans perturber l’équilibre global du cheval. Par exemple, au sol, un léger contact sur le bout du nez salue ou valide une action alors que le check plus dynamique capte l’attention sans induire de tension inutile dans l’encolure ou les épaules.
La caresse, en revanche, engage des mouvements plus amples. Elle suit les lignes naturelles du corps du cheval, souvent le long de l’encolure ou des flancs, permettant un relâchement musculaire progressif. Elle se prodigue en dehors de la séance de travail, avant ou après, mais jamais pendant. Jean-Marie Denoix, expert en biomécanique, souligne que des pressions uniformes et bien dirigées sur les muscles favorisent le relâchement et la détente posturale.
Ainsi, le Check se définit comme une action ciblée, toujours pédagogique ou cognitive dans sa portée, tandis que la caresse déploie une fonction holistique, enveloppante et apaisante.
Dans l’histoire équestre, les gestes précis et les caresses ont toujours cohabité. François Baucher, dans ses travaux sur l’équitation légère, mettait en avant l’importance des actions mesurées, proches du concept moderne du Check. Son “main sans force, jambe sans effort” reflète cette idée d’un langage physique épuré, où chaque action possède une signification distincte.
La caresse, plus universelle, traverse les siècles comme un symbole d’approbation et de récompense. La Guérinière décrivait déjà l’acte de “frotter l’encolure” comme un moyen de détendre et d’affirmer un lien de confiance. Ces gestes, loin de se contredire, se complètent dans une harmonie où précision et empathie se répondent.
L’alchimie, dans sa quête de transformation intérieure, offre une métaphore riche pour comprendre le rôle du Check et de la caresse. Le Check symbolise l’œuvre au noir : une intervention ciblée qui déstabilise pour recentrer, une étincelle qui initie un changement. La caresse, elle, appartient à l’œuvre au blanc : un geste qui purifie, qui aligne, qui rassure.
Dans cette lecture, le cavalier devient un alchimiste, équilibrant rigueur et bienveillance pour transformer la relation en une œuvre au rouge, où la symbiose atteint son apogée. Chaque Check affine le dialogue, chaque caresse renforce la confiance, et ensemble, ces gestes façonnent une relation sublimée.
Philosophiquement, le Check s’apparente à l’intellect, à la clarté d’une pensée précise. Il découle d’une intention claire et d’un objectif défini. La caresse, en revanche, reflète l’intuition, le lien profond et non verbal qui transcende l’action.
Martin Buber, dans "Je et Tu", évoque la différence entre une relation fonctionnelle et une relation existentielle. Le Check s’inscrit dans la première, structurant la communication par des actes mesurables. La caresse incarne la seconde, un échange où l’être du cheval et celui du cavalier se rencontrent sans condition ni contrainte.
Dans une approche cognitive, le Check fonctionne comme un mot dans un lexique partagé. Le cheval apprend à associer ce geste à une demande précise, à l’instar des principes établis par Carolyn Resnick dans son travail sur les rituels de connexion. Chaque Check renforce une grammaire gestuelle, où le cheval et le cavalier co-créent un langage unique.
La caresse, dans ce contexte, joue le rôle de ponctuation émotionnelle. Elle ne demande rien, mais souligne, approuve et clôture. Ce geste, bien que moins structuré, demeure essentiel pour établir une communication fluide et empreinte de respect mutuel.
L’équitation de pleine conscience valorise une présence totale dans l’instant. Le Check, par sa nature ciblée, oblige le cavalier à focaliser son intention sur une action précise. Chaque mouvement du Check exige une clarté mentale, une absence de distraction.
La caresse, plus intuitive, invite à un relâchement, à une immersion dans le flux d’énergie partagé entre l’homme et le cheval. Elle libère le cavalier de l’exigence du contrôle pour lui permettre d’habiter pleinement l’instant.
Le Check et la caresse ne se remplacent pas, mais se complètent dans une relation équestre équilibrée. L’un structure et dirige, l’autre apaise et nourrit. Apprendre à les dissocier et à les utiliser dans leur juste mesure permet d’affiner le dialogue avec le cheval.
Dans cette quête, le cavalier se transforme en artisan du langage, capable d’allier la rigueur d’un geste précis à la douceur d’un contact bienveillant. Cette dualité, loin de fragmenter la relation, l’enrichit en créant un équilibre où la précision du Check ouvre la voie à l’empathie de la caresse et où chaque interaction devient une opportunité d’approfondir le lien entre deux êtres.
Comprenne qui pourra.
Francis Stuck
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