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La légèreté en équitation : une conséquence, pas une finalité

En équitation, beaucoup aspirent à la légèreté comme s’il s’agissait d’un Graal ultime, un but en soi. Pourtant, cette vision, bien que séduisante, trahit une compréhension incomplète de l’essence même de l’équitation. La légèreté, loin d’être un objectif isolé, est avant tout la conséquence d’un travail bien mené, un résultat tangible qui traduit la qualité de la relation, la confiance mutuelle, et l’intelligence partagée entre le cavalier et son cheval.

Lorsque l’on perçoit l’équitation uniquement comme une série de gestes mécaniques, la légèreté devient une finalité purement technique. On cherche à obtenir un cheval réactif, obéissant, presque robotique, souvent en utilisant des aides excessives ou des artifices pour forcer des réponses. Cette approche mécaniste, bien que fonctionnelle à court terme, échoue à respecter la dimension cognitive et émotionnelle du cheval.

Gustav Steinbrecht lui-même, père de nombreux principes équestres modernes, prévenait déjà dans Le Gymnase du Cheval contre les excès de l’approche purement technique.

Il écrivait : « La main légère doit être la conséquence d’un équilibre intérieur, pas un artifice. »

Malheureusement, beaucoup confondent encore l’apparence de légèreté, une réponse rapide et précise, avec sa véritable nature, qui repose sur l’harmonie intérieure du cheval.

La légèreté réelle n’est pas imposée ; elle est offerte par le cheval lorsque celui-ci est confiant, décontracté, et qu’il comprend ce qui lui est demandé. Elle se manifeste naturellement lorsqu’un dialogue clair, respectueux et intelligent s’établit entre cavalier et monture. La relation avec le cheval repose sur un trinôme :


  • Le Langage : rien n’est plus léger qu’un cheval qui comprend parfaitement ce que l’on attend de lui. Cela exige un langage clair, cohérent, et adapté à ses capacités cognitives. Le cheval, être sensible et intelligent, réagit à un dialogue basé sur des codes simples et binaires : le « oui » et le « non », développés dans un langage qui s'enrichit d'une infinité de nuances au fil du temps. Rien n’est plus léger qu’un cheval qui comprend parfaitement ce que l’on attend de lui.


  • Le Respect : voilà incontestablement le mot de plus important de tous les modes de langages. Il doit accompagner toutes les attitudes réciproques quelles que soient les protagonistes. Sans respect, des valeurs fondamentales comme la liberté et l'amour n'existent pas. Mais le respect doit s'inscrire dans une vision réciproque et mutuelle. Alors tout devient possible. Le corps, l'intelligence et le talent peuvent s'exprimer dans une symbiose parfaite.


  • La Confiance : l'association du langage intelligent et du respect mutuel permet l'émergence de la confiance. Un cheval confiant est un cheval qui se sent en sécurité avec son cavalier. Cette confiance découle de la cohérence des actions du cavalier, de sa capacité à communiquer clairement sans incohérence ni ambiguïté. Tout geste brusque, toute aide intrusive brise cette confiance et alourdit la relation.


La décontraction est la pierre angulaire de la légèreté. Un cheval tendu ou stressé ne peut pas se mouvoir avec aisance.

Comme l’expliquait Nuno Oliveira, « La tension est l’ennemie du geste juste. »

La légèreté surgit lorsque les muscles du cheval et ceux du cavalier travaillent en harmonie, libérés de toute crispation.

Dans une équitation respectueuse de l’intelligence équine, le cavalier ne cherche pas à imposer, mais à convaincre. Le cheval, loin d’être un simple exécutant, devient un partenaire actif, engagé dans une conversation subtile d'intelligence à intelligence, de sensibilité à sensibilité. Ce dialogue repose sur des principes cognitifs établis avec précision.

Toute action du cavalier doit être compréhensible pour le cheval. Le langage des aides devient une forme de communication interespèce, où chaque geste a un sens.

Les outils coercitifs (enrênements, mors sévères, etc.) entravent l’intelligence du cheval en le contraignant par la peur ou la douleur, créant des réponses mécaniques dénuées de compréhension.

Cela passe également par le contrôle du mental et des émotions du cavalier. Le cheval ressent et réagit par résonance aux émotions de son cavalier. Une émotion négative ou une tension interne crée une dissonance qui se reflète dans la relation. Cet aspect de la relation représente le préalable, le socle d'une équitation consciente et éveillée.

La tradition équestre classique, incarnée par des figures comme Xenophon, François Baucher ou Nuno Oliveira, a toujours prôné une équitation fondée sur la compréhension et la collaboration. Pourtant, avec le temps, les aspects mécanistes ont trop souvent pris le dessus, reléguant la dimension cognitive à l’arrière-plan.

Xenophon insistait sur le fait que « l’équitation n’est pas une affaire de force, mais d’intelligence. » Cette intelligence, celle du cheval et du cavalier, reste le fondement de la légèreté.

François Baucher, dans ses derniers écrits, évoquait une équitation où le cheval travaille dans une liberté totale, guidé par la simple intelligence des aides et non par des contraintes physiques. Dans son Dialogue entre Dieu, un cheval et un cavalier, il a également mentionné la dimension alchimique et mystique de l'équitation.

Nuno Oliveira, enfin, voyait dans la légèreté une poésie, une danse entre deux êtres vivants unis dans une compréhension mutuelle.

La légèreté représente une révolution pour l’avenir car dans une équitation moderne enrichie par les sciences cognitives et la zoosémiotique, celle-ci prend un sens nouveau. Elle devient le reflet d’une relation équilibrée, fondée sur la confiance et l’intelligence. Elle n’est plus un objectif à atteindre par des moyens artificiels, mais une conséquence naturelle d’une équitation pensée et ressentie.

En adoptant cette approche, nous honorons non seulement les traditions équestres, mais nous ouvrons aussi la voie à une équitation véritablement moderne, où le respect, la compréhension et l’harmonie se trouvent au cœur de la pratique.

Nous n'avons pas à imposer la légèreté au cheval. Elle traduit ce que le cheval nous offre en retour de notre respect et de notre intelligence, la récompense ultime dans l'équilibre absolu.

Comprenne qui pourra.


Francis Stuck







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