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Vous qui avez verrouillé la bouche de vos chevaux : une réflexion sur l’équilibre entre tradition et modernité en équitation

Vous, qui avez verrouillé la bouche de vos chevaux avec des muserolles serrées et des courroies passant sous le mors, avez-vous pris un instant pour interroger la sagesse de ce geste ?

Avez-vous réfléchi à ce que vous sacrifiez en obstruant ainsi un canal de communication essentiel entre le cavalier et sa monture ?

Vous avez tourné le dos à l’essence de l’équitation classique, ce legs précieux des anciens, fondé sur la légèreté et la flexibilité des ressorts, indispensables au mariage avec l’impulsion, comme le rappelait si bien le général L’Hotte.

Fermer la bouche d’un cheval, c’est ignorer délibérément les enseignements de monsieur de la Broue, de Newcastle, de La Guérinière, et des illustres maîtres de Saumur, tels que L’Hotte, Wattel, Decarpentry, et Beudant. Ces figures de l’équitation de tradition française ont bâti leur art sur la flexion de la mâchoire, considérée comme le sésame de l’harmonie équestre. Leur philosophie repose sur une main ferme mais douce, sur un contact léger, et sur la liberté accordée au cheval de répondre avec intelligence et spontanéité.

Je me rappelle ce échange entre Nuno OLIVEIRA et un écuyer. Le maître portugais venait de monter le cheval de l'écuyer et celui-ci lui dit :

" J'aime beaucoup votre manière de monter mais je déteste que mon cheval mastique son mors et salive."

Nuno OLIVEIRA lui répondit :

"C'est pour cette raison qu'avec moi il piaffe et avec vous, non !"

En verrouillant la bouche de vos chevaux, vous empêchez toute flexibilité de la mâchoire, obstruant ainsi la voie vers la décontraction, la communication subtile et l’équilibre. Vous imposez une tension permanente, confondant l’impulsion avec la force, et transformant la relation équestre en une lutte de domination.

Vous qui participez aux compétitions de dressage avec des chevaux à la bouche scellée, avez-vous oublié l’esprit des généraux Von Holzing et Decarpentry, les architectes du règlement international de dressage ? Ils avaient imaginé un idéal où la compétition servirait à préserver l’art équestre des altérations, en harmonisant sport et art. Leur définition d’un contact léger et doux figure encore à l’article 416 des règlements, mais elle est aujourd’hui largement ignorée, souvent discréditée.

La soumission, terme qui domine les textes réglementaires, est une ombre qui plane sur l’équitation moderne. Pourquoi ne pas remplacer ce mot par l’obéissance dans son sens noble : une adhésion libre et harmonieuse, fruit d’un travail patient et respectueux qui “crée dans les forces de l’animal une harmonie musculaire”, selon les mots du général Gerhardt ?

Le Docteur Jean Servantie, vétérinaire ostéopathe, éclaire cette réflexion par des considérations biomécaniques précieuses. Il rappelle que la mobilité de la mandibule est étroitement liée à des structures essentielles comme la langue, le pharynx, le larynx et l’appareil hyoïdien, qui jouent un rôle subtil dans l’équilibre entre la tête et l’avant-main. Une muserolle serrée perturbe cet équilibre délicat, créant des tensions qui affectent l’ensemble de la locomotion par des asymétries au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) qui peuvent provoquer des déséquilibres dans les articulations coxo-fémorales et sacro-iliaques, limitant l’engagement des postérieurs et provoquant des travers.

Les restrictions de mouvement mandibulaire perturbent l’incurvation, bloquent le dos tandis que les tensions au niveau de l’appareil hyoïdien génèrent des douleurs dans la nuque et les épaules, réduisant l’amplitude des mouvements des antérieurs.

Chez les sportifs humains, on sait que “desserrer les dents” favorise la décontraction et améliore les performances. Pourquoi en serait-il autrement pour nos chevaux ?

En cette époque où les consciences s’éveillent à de nouvelles façons de penser, il est temps de revenir aux fondements de l’art équestre. Desserrer les muserolles, ou mieux encore, les enlever, représente le premier pas vers la restauration d’une équitation où le cheval est un partenaire et non un outil. Cherchons un contact fondé sur la l'intelligence et la confiance, la compréhension mutuelle et la subtilité d’une main “aimable, intelligente et insinuante”, comme le préconisait Jean-Claude Racinet.

L’équitation de tradition française est un trésor qui nous enseigne que la légèreté n’est pas seulement une technique, mais un art de vivre, une philosophie où le respect de l’animal est central. En retrouvant cet héritage, nous honorons les maîtres du passé tout en ouvrant la voie à une équitation plus éthique, plus consciente et plus belle. Associée à l'appel à l'intelligence, aux capacités cognitives et à la sensibilité des chevaux, elle ouvre un chemin vers une équitation éthique, holistique et sublime.

Alors, vous qui avez verrouillé la bouche de vos chevaux, osez faire un pas en arrière pour mieux avancer. Ouvrez vos esprits, libérez leurs mâchoires, et redécouvrez l’harmonie d’une équitation en phase avec les lois de la nature et les aspirations de l’âme.

Comprenne qui pourra.


Francis Stuck




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