top of page

Ramener, rassemblé, en équilibre : une exploration du langage équestre

Une fois n'est pas coutume, nous allons évoquer un élément majeur de l'aspect technique de l'équitation.

En ce domaine, les mots sont autant de clés ouvrant ou fermant des portes vers une compréhension juste de la relation entre le cavalier et le cheval. Parmi ces mots, « ramener » est l’un des plus mal compris et, souvent, l’un des plus mal employés. Derrière cette apparente simplicité se cache une réalité technique et philosophique complexe. Il ne s’agit pas de « ramener » physiquement la bouche du cheval sous sa nuque, mais d’unir les forces, les énergies et les intentions pour créer un équilibre dynamique où l’avant et l’arrière se répondent en harmonie.

L’expression « ramener » suggère, à tort, qu’un cavalier pourrait forcer le cheval à plier l’encolure et à s’arrondir simplement par l’action de la main. Cette idée mécaniciste, souvent véhiculée par des pratiques rapides et expéditives, est non seulement inexacte mais dangereuse.

En forçant la flexion par la main qui agit en reculant, nous provoquons des résistances. Car le cheval, en contrariant naturellement cette pression, finit par se défendre, bloquer son encolure ou creuser son dos.

Un cheval « ramené » par la main seule présente une flexion d’encolure sans connexion avec l’arrière-main. Cette posture est trompeuse : bien qu’esthétiquement acceptable à première vue, elle masque un dos contracté et une impulsion éteinte.

Le véritable « ramener » n’est pas une action directe. C’est un effet secondaire, un « cadeau des hanches », comme le disait si bien François Baucher.

C'est l'union du langage cognitif et du langage des aides dans l'unité des consciences du cavalier et du cheval.

Le rassemblé, essence même de l’équitation classique, repose sur ce principe fondamental qui veut que l’énergie part de l’arrière-main. Les postérieurs, bien engagés sous la masse, poussent l’énergie à travers un dos délié pour atteindre une nuque haute et une bouche légère. Cette dynamique d’arrière en avant est la seule voie vers une mise en main véritable.

Les hanches, en s’abaissant et en s’engageant sous la masse, soulèvent le dos et équilibrent le poids vers l’avant.

Un dos souple et élastique agit comme un pont entre l’arrière et l’avant. Si le dos est tendu ou creux, l’énergie ne peut circuler, et la mise en main devient impossible.

Lorsque l’arrière-main fonctionne correctement, l’avant-main s’allège naturellement, la nuque se positionne au sommet et la bouche devient une interface subtile entre le cavalier et le cheval.

François Baucher l’exprimait magistralement en enseignant à son élève, le général L’Hotte, la distinction entre les deux actions de la main : céder en avançant les mains et ne jamais les reculer.

Le rassemblé, loin d’être une simple posture, est un état d’équilibre dynamique. Il repose sur la coordination harmonieuse des aides du cavalier et des réponses du cheval.

Sans impulsion, l’équilibre est figé. Mais sans équilibre, l’impulsion devient désordonnée. Ces deux éléments doivent coexister pour que le cheval soit à la fois dynamique et stable.

L’équilibre juste se traduit par une légèreté de la bouche, qui est le reflet d’un corps délié et d’un esprit apaisé. Dans l’équilibre, chaque aide du cavalier devient une conversation, une suggestion à laquelle le cheval répond avec fluidité et volonté.

Les maîtres de l’équitation classique, de François Baucher à James Fillis en passant par le général L’Hotte, ont tous insisté sur l’importance de la finesse et de la précision dans l’emploi des aides. Pour eux, le rassemblé n’était pas une contrainte imposée mais une invitation à laquelle le cheval répondait librement.

Baucher, souvent mal compris, insistait sur la nécessité de « décontracter » le cheval pour permettre la circulation des énergies. Ses dialogues équestres, notamment celui où il distingue les actions permissives des actions coercitives, révèlent une approche profondément respectueuse de l’intelligence et de la sensibilité du cheval.

Loin des raccourcis mécaniques, le rassemblé est un art qui demande patience, compréhension et maîtrise.

Pour l’atteindre, favorisez l’engagement des postérieurs à travers des exercices progressifs tels que les transitions, les cercles et les déplacements latéraux.

Respectez le rythme du cheval car chaque cheval a son propre tempo d’apprentissage. Le forcer à aller plus vite entrave sa progression.

Cherchez la légèreté ! Mais n'oubliez pas que la légèreté n’est pas une action mais une conséquence. Elle se manifeste lorsque le cheval est dans un état de confiance et de compréhension.

Ramener, rassemblé, équilibre : ces termes souvent galvaudés trouvent leur véritable sens dans une approche respectueuse et harmonieuse de l’équitation. Le rassemblé ne se force pas, il s’invite. Il n’est pas une posture imposée, mais une dynamique vécue par le cheval et le cavalier dans une communion d’intentions.

Suivons les leçons des grands maîtres pour redécouvrir une équitation qui honore la noblesse du cheval et qui transcende la technique pour devenir une philosophie de la légèreté et de la liberté.


Francis Stuck


En photo, Allycia Stuck sur Timoneiro (étalon luso-arabe)







Comentarios

Obtuvo 0 de 5 estrellas.
Aún no hay calificaciones

Agrega una calificación
Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page