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Intelligence cognitive et chemin de la Haute École

Dans les cercles équestres, la maîtrise d’airs comme le piaffer, le passage ou les changements de pied au galop qui représentent le sommet de l’art équestre, brillent aujourd'hui par leur absence. Peu de chevaux apprennent à piaffer, à passager ou à changer de pied. Aujourd'hui, ces figures sont trop souvent réduites à de simples automatismes, produits par une répétition mécanique et des aides unilatérales. Le piaffer est bien souvent réduit à un piétinement diagonal frénétique forcé. Cette vision, qui transforme le cheval en marionnette obéissant à un cavalier-marionnettiste, passe à côté de l’essence même de l’intelligence équine et de l'art de l'équitation.

Les chevaux possèdent une intelligence cognitive qui dépasse largement cette conception mécanique. Lorsqu’on s’adresse à cette intelligence avec respect et subtilité, le cheval devient alors un véritable partenaire, capable de comprendre, d’apprendre, et de co-créer des mouvements d’une grâce et d’une légèreté naturelles.

Des recherches menées par des éthologues comme Karen McComb (Université du Sussex) montrent que les chevaux possèdent une intelligence sociale et émotionnelle remarquable. Ils sont capables de lire les émotions humaines, de résoudre des problèmes et de mémoriser des séquences complexes. Ces qualités cognitives sont pourtant rarement exploitées dans l’enseignement des airs de Haute École, où l’approche mécanique domine.

Les chevaux ne se contentent pas de mémoriser des réponses, ils retiennent les contextes et les intentions associés aux demandes.

Selon Konstanze Krüger, spécialiste de la cognition équine, les chevaux répondent bien mieux à des approches qui valorisent leur rôle actif dans l’apprentissage collaboratif, plutôt qu’à des méthodes coercitives.

Le débourrage, souvent perçu comme une simple étape fonctionnelle représente en réalité l’équivalent de l’école primaire pour le cheval. C’est à ce moment-là qu’il apprend les bases d’un langage binaire, une communication claire et respectueuse avec le cavalier. Ces bases s'avèrent essentielles pour les étapes ultérieures, où les nuances et les subtilités de la Haute École demandent une compréhension mutuelle profonde.

Le débourrage, trop souvent précipité pour des raisons économiques ou de performance, est crucial pour établir un dialogue respectueux entre le cavalier et le cheval. Cette phase devrait qui pose les fondations du chemin d'éducation inclure le travail à pied afin de développer la confiance et la compréhension mutuelle à travers des exercices simples mais fondamentaux.

On devrait y trouver également les bases du mouvement latéral, qui assouplit le cheval et le prépare à l’équilibre et à la souplesse nécessaires pour les airs de Haute École.

Durant cette phase, il s’agit moins d’enseigner des figures que de cultiver une relation. Comme le souligne Xenophon, l’art équestre repose sur la patience et la douceur : “Il faut inciter et non contraindre.”

La Basse École correspond à l’équivalent du collège et du lycée pour un enfant. À ce stade, le cheval commence à explorer des mouvements plus complexes, tout en renforçant son équilibre et sa musculature.

L'allure de travail est alors le galop, en incluant des transitions fluides d'allures tout en amenant progressivement l’allègement des épaules qui invite le cheval à porter son poids vers l’arrière.

Chaque mouvement est encouragé à partir de l’élan et de la légèreté naturels du cheval et non à travers une contrainte mécanique. Il faut organiser les séances de travail comme des séquences de jeu afin que le cheval s'amuse en découvrant. On apprend mieux par le plaisir que par la contrainte.

Mais bien entendu, il appartient au cavalier de ne jamais perdre de vue la finalité du travail. On peut jouer tout en restant dans une construction cognitive sérieuse et progressive.

Les chevaux aiment apprendre et en dehors de toute contrainte, ils nous le montrent. Quand ils ont intégré un exercice, ils nous font savoir qu'ils veulent apprendre autre chose.

Gare aux séances répétitives avec de longues sessions ou les chevaux ont l'impression d'être sur un circuit fermé monotone, le nez au sol, en déséquilibre et dans une course effrénée sur les épaules. Si le trot enlevé se justifie pour de jeunes chevaux afin de ménager leur dos, il ne doit pas devenir une constante qui occupe l'essentiel de la séance de travail. Psychologiquement, ce que l'on appelle "mise en avant" exacerbe en réalité l'instinct de fuite du cheval. Tout cela est fondamentalement contreproductif, détruit leur motivation en même temps que leurs tendons.

La Haute École, souvent perçue comme un objectif final est en réalité un dialogue raffiné entre le cheval et le cavalier. Les airs tels que le piaffer, le passage, et les pirouettes deviennent alors des expressions de l’équilibre et de la confiance.

Loin du piétinement frénétique souvent observé, le véritable piaffer devrait être une danse légère, initiée par une communication presque télépathique entre le cavalier et le cheval.

Comme le disait Nuno Oliveira : “Ce n’est pas la force qui fait le cavalier, mais la compréhension et la finesse.”

Les chevaux d’aujourd’hui sont souvent entraînés à reproduire des mouvements sans comprendre leur sens ou leur but. Cette mécanisation, qui repose sur des aides répétitives et coercitives, détruit l’essence même de la Haute École.

Les aides unilatérales, comparables aux ficelles d’un marionnettiste, produisent des réponses prévisibles mais déconnectées de l’intelligence du cheval. Cette approche ne permet pas au cheval d’exprimer sa grâce naturelle ni de développer sa propre compréhension du mouvement.

En abordant le cheval comme un partenaire capable de comprendre et d’interpréter les demandes, le cavalier entre dans un véritable dialogue. Cette approche, fondée sur la communication mutuelle, permet de libérer le potentiel du cheval tout en respectant son bien-être. Cela passe par l'apprentissage d'un langage cognitif binaire qui fait appel à la réflexion cognitive des chevaux et non à une mémorisation mécanique répétitive.

Quand on agit de cette manière, dans un chemin d'apprentissage progressif, il devient très facile d'enseigner aux chevaux.

Par démonstration à un cavalier qui doutait, en dix minutes je lui ai montré comment apprendre à son cheval à s'arrêter par les éperons.

En quelques minutes, le cheval a compris et assimilé l'exercice. En le touchant avec les deux éperons en même temps, le cheval freinait instantanément et s'arrêtait.

Au final, le cavalier a alors compris le niveau d'intelligence cognitive de son cheval. Il a alors déserté la muserolle et rangé définitivement ses éperons.

Il a découvert que l'on contrôlait mieux un cheval par son intelligence que par des moyens matériels, y compris des étalons.

Le véritable art équestre ne consiste pas à “dresser” un cheval, mais à le guider dans un processus d’apprentissage collaboratif, similaire à celui d’un enfant progressant de l’école primaire à l’université. Cette pédagogie respectueuse, basée sur l’intelligence cognitive et émotionnelle du cheval, ouvre la voie à une nouvelle ère pour l’équitation.

En apprenant à “parler cheval”, le cavalier découvre également une autre forme de conscience. Cette communication subtile, fondée sur l’écoute et l’intention, enrichit non seulement la relation avec le cheval, mais aussi la compréhension de soi-même.

La Haute École, loin d’être une performance mécanique représente une célébration de la collaboration entre deux intelligences.

Comme le disait Antoine de Pluvinel, maître équestre du XVIIe siècle : “L’art de monter est l’art de créer l’harmonie avec un être vivant.”

En libérant les chevaux de la contrainte, en accédant et en respectant leur intelligence, nous pouvons redonner à cet art sa véritable essence : une danse élégante, empreinte de respect, d’intelligence et de grâce.

Comprenne qui pourra.


Francis Stuck



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